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Le travail du bois à la main – avec Florian Carpentier Partie 1

Le travail du bois à la main – avec Florian Carpentier Partie 1

“Ce n’est pas du travail à l’ancienne mais du travail a la main”

Portrait de Florian Carpentier, un artisan du bois qui travaille avec passion et un parti pris certain dans ses réalisations.

L’Association Monique Teneur Sauvegarde du Patrimoine Rural lui a confié pour la partie charpente, la réalisation de la restauration de la bergerie de Rue, remontée au Musée de Plein Air de Villeneuve d’Ascq en 2015.

 

 

 

J‘ai commencé mon activité professionnelle dans l’industrie, ma famille travaillait dans le bois et il ne fallait surtout pas faire ça.

J étais plutôt discipliné, je n’ai pas fait ce qu’on m’a dit de ne pas faire. J’avais toutefois passé la plupart de mes vacances et de mon temps libre à la menuiserie familiale, à aider, à travailler, jusqu’à 19 ans et l’âge de commencer mon apprentissage dans l’industrie.

C’était il y a vingt ans et j’ai pu voir en dix ans cet univers se transformer. Les machines mécaniques, tout le monde pouvait se les approprier. Puis les machines sont devenues de plus en plus électroniques. Les mécaniciens doivent dialoguer avec des informaticiens, on a vu une rupture dans ce métier, une déshumanisation du travail.

Les machines avaient gagné quelques pour cent en efficacité mais sont devenues deux fois plus fragiles, plus compliquées à réparer, les gens ne maîtrisent plus les choses. Ces personnes qui ont participé à ma formation, les mécaniciens à l’ancienne, disparaissaient progressivement, devenus obsolètes.

Je travaillais dans l’emballage, à l’opposé de mes valeurs sensibles à l’environnement. Ce sont ces choses qui m’ont poussé à changer d’orientation. Je voulais une activité plus éthique, plus humaine qui replace l’homme et les savoirs-faire au cœur du métier.

J’ai donc fait une reconversion professionnelle, vers la charpente de bois et très vite, je suis retombé dans les travers de ce que j avais quitté. Je n’étais plus dans l’industrie de l’emballage mais dans celle du bois.

Je côtoyais des gens qui assemblaient du bois fabriqué par une machine du monde numérique et des gens qui étaient des opérateurs, pas des artisans. Nous avions une étiquette plus verte, en faisant de la construction de bois mais c’était les mêmes travers: des personnes dépossédées de leurs métiers.

 

Une architecture vernaculaire à l’opposé de l’archaïsme

Je m’intéresse à l’architecture de ma région, de la Somme et de la Picardie, j’ai découvert les travaux de François Calame, sur les techniques vernaculaires et traditionnelles. J’ai pu le rencontrer et d’autres charpentiers qui travaillaient à la main. Je n’imaginais pas que ça se pratiquait encore de nos jours. C’était ce que je recherchais, la ré-appropriation des savoir faire, faire beaucoup avec peu, en économisant les moyens, avec de la rationalité et de l’optimisation.

Je ne comprenais pas au départ où j’allais, c’était utopique de penser gagner sa vie en taillant des poutres à la hache, mais je savais qu’il fallait creuser dans ce sens. Ça fait maintenant 10 ans que je travaille comme ça, je côtoie d’autres charpentiers et artisans, forgerons qui ont les mêmes aspirations. On partage ensemble pour trouver les solutions viables ou vendables.

Avant nous étions dans une démarche de travail “à l’ancienne”, du moins on nous cataloguait comme ça: vous faites du traditionnel. On va puiser ce qui nous intéresse, le côté humain, économique, environnemental, mais nous sommes aussi très tournés vers l’avenir. C’est demain, des économies d’énergie et de ressources. On redonne du sens, beaucoup de personnes diplômés abandonnent leurs métiers pour retrouver du sens dans ce qu’ils font. On va puiser dans le passé, dans ce qui a été jeté trop vite, sans connaître véritablement, parce que jugé obsolète,

 

Archéologie expérimentale

Vous pouvez chercher aujourd’hui des artisans qui ont travaillé à la main, vous n’en trouvez pas. Les plus vieux ont connu ça quelques années avant ou pendant la guerre. Mais c’est anecdotique, ils n’ont connu qu’un modèle industriel avec du bois de section commercial et du bois d’importation.

Pas d’équarrissage, plus de façonnage en forêt. Ce sont des savoirs perdus, nous sommes dans une démarche d’archéologique expérimentale, pour retrouver les choses pertinentes qui peuvent retrouver une place aujourd’hui.

Plus que du travail à l’ancienne, je préfère parler de travail à la main, humain.

La charpente permaculturelle

Le but n’est pas de souffrir et de faire exactement comme a une période donnée. Le but c’est de faire à la main avec des moyens qui nous appartiennent. Je ne vais pas emprunter sur des années dans une machine que je vais devoir amortir, qui me rend dépendant, pour laquelle je vais devoir me spécialiser. J’utilise des outils simples, souvent que je peux faire moi même.

J’ai retrouvé un facturier de mon grand-père datant de 1946, où étaient notés tous les travaux : barreaux d’échelles, roues en bois, chariots, tables, outils, affûtages de scie… Son travail était très varié, il choisissait son arbre sur pied, le fait abattre, le scie et les valorise pour tout ce qui est nécessaire au sein d’une économie très localisée. Il travaillait à l’échelle du village avec le forgeron maréchal ferrant pour faire le cerclage et ferrures. Il avait une activité très variée, on recyclait beaucoup, en valorisant tout dans l’arbre.

Puis les engins militaires ont été convertis. Très vite, les tracteurs arrivent et les agriculteurs n’ont plus besoin de chariots en bois mais ils ont besoin de lieux pour stocker leurs machines. Mon grand-père devient charpentier.

Les modes d’apprentissage étaient lents mais fiables car ils étaient le fruit de l’ observation. Aujourd’hui ça ne va pas assez vite donc on jette, sauf que quelques années plus tard, on perd les connaissances.

Beaucoup de savoirs peuvent être optimisés aujourd’hui mais il est souvent trop tard. Nous les avons jetés et quand il faut faire de l’archéologie expérimentale. Il y a des petits trucs qu’on ne retrouve pas.

Nous faisons de la charpente post industrielle, en prenant ce qui était bon pour faire la charpente de demain.

 

 

Aujourd’hui dans ma pratique spécialisée en charpente, je n’arrive pas à tout valoriser. Je ne fais pas de menuiserie.

J’ai plein de pièces qui pourraient être valorisés sur des petits ouvrages. C’est dommage, il a des très beaux bois de menuiserie que je passe en charpente. La dynamique est un peu cassée. Il manque une activité pour valoriser toutes les parties de l’arbre. Beaucoup de bois part en bois d’énergie et, encore difficilement, car ça demande de la main d’œuvre.

La démarche est d’essayer d’intégrer la pratique professionnelle au mieux dans l’environnement.

Faire avec les essences locales, mettre les essences naturellement résistantes là où on en a besoin, les essences plus fragiles si on peut se le permettre. Je ne vais pas mettre du chêne à l’intérieur, là où ce n’est pas nécessaire. Je préfère mettre du bouleau, du tilleul de l’aulne, du frêne.

Je fais de la charpente permaculturelle. C’est-à-dire exploiter au mieux les opportunités et les ressources de l’environnement et si intégrer en essayant de ne pas nuire avec de la vigilance sur les considérations humaines et environnementales.

 La forêt est privée d’une grande partie de sa valorisation. Tout part en bois d énergie ou a l’export.