La chaumière de Millam
Cette maison était située toute proche du village de Millam dans les Flandres, à une vingtaine de kilomètres de la côte.
Sa charmante allure, ses belles couleurs, ses roses et son toit de chaume ne doivent pas faire oublier la vie de ses occupants.
Il s’agit d’un habitat destiné à plusieurs ouvriers agricoles, fort nombreux dans la région. Un ouvrier agricole est un employé locataire d’une maison qui travaille pour son propriétaire.
Les ouvriers agricoles étaient nombreux dans la région, ils furent encore 100 000 dans le département du nord en 1900. Les tâches étaient variées et se concentraient entre la ferme et les champs.
Ainsi des valets de charrue, garçons de cour, batteurs en grange, cueilleurs de houblon, faucheurs, vachers, filles de basse-cour ont pu habiter cette maison.
Les horaires et le travail sont pénibles, dès 5 heure en été jusqu’à 20h. Le temps de repos et les salaires étaient bien faibles.
La journée des femmes est approximativement la même que celle des hommes une moyenne de 9h de travail effectif par jour.
La chaumière présente une caractéristique notable, c’est une maison double ou maison miroir, il s’agit de maisons identiques et reliées entre elles pour former un ensemble. Les occupants se partagent une cheminée à double foyer. Les deux portes opposées de la façade permettent l’accès dans les deux espaces.
Le grenier est partagé et abrite nourriture et fourrage
A l’intérieur, les pièces sont souvent exiguës, sombres. Les fenêtres et portes sont basses et les plafonds bas, la ventilation imparfaite. Dans ces petites pièces, c’est l’entassement, il n’est pas rare d’être 5 ou 6 . Au plus, on a compté 16 habitants dans cette maison.
On comprend que ces petites chaumières étaient jusqu’au milieu XIXème des foyers propice au développement des épidémies.
On retrouve avec cette maison les caractéristiques principales de la chaumière de Flandre. Son toit de chaume, son squelette de bois, ses murs de torchis ainsi que sa base en briques.
En observant le sommet du toit, on aperçoit une plante qui pousse sur l’argile de cette partie appelée faitage. Cette plante grasse qui ressemble à un artichaut joue un rôle important pour la toiture. Ses racines permettent de bien fixer le faitage, partie essentielle de la stabilité dans le temps du toit.
De plus, cette plante est surnommée la « barbe de Jupiter » et renvoie à une croyance typique de la région. La joubarbe permettrait de se protéger de la foudre, véritable terreur de l’époque. Malheureusement celle qui est tombée sur cette maison en 2011 nous fait douter de sa réelle efficacité.
On observe également à l’extérieur du bâtiment, sur sa base, le traitement des soubassements au goudron de houille qui lui donne cette couleur noir. Cette opération permettait de protéger la maison des infiltrations d’eau.
A l’arrière de la chaumière, on trouve un petit potager et quelques arbres fruitiers. Il n’était pas rare qu’un propriétaire concède un peu de terre à ses ouvriers.
Les parcelles sont entourées de trottoirs forts typiques de la Flandres, On utilisait des briques inutilisables pour les maisons trop brûlées, déformées et extrêmement dures.
Comme ici, dans les maisons modestes, on entre directement dans la pièce principale.
Au fond de chaque pièce, un escalier de bois conduit à une chambre haute située au-dessus de la cave. Cette disposition était fréquente dans les zones humides et permettait de disposer d’une cave sèche ainsi qu’une chambre à coucher.
La vie dans les champs et notamment celle des ouvriers agricoles n’a pas beaucoup évolué jusqu’à la deuxième guerre mondiale.
Dans cette région à l’histoire agricole riche, ces employés de la campagne ont travaillé durement sur des générations.
Ils habitent toute leur vie dans une chaumière comme celle-ci, ils connurent le chauffage dans la cheminée au feu de bois avant d’apprécier les premiers poêles au charbon.
Ils durent se mettre tôt au travail, à 13 ans beaucoup sont placés dans une ferme, pas rétribués mais logés et nourris et ainsi n’étaient plus à la charge de leurs parents. Ils travaillaient 6 jours sur 7 et ne rentraient à la maison que le dimanche ramenant leur lessive.
De décembre à février, c’est l’hiver, on se consacre au battage, à l’entretien, c’est parfois le chômage.
De mars à juin, ce sont les semailles de printemps (avoine et orge) ; en avril betteraves et les pommes de terre. Mai est consacré au lin.
Juillet, Aout et Septembre constituent le troisième temps de l’année : on arrache du lin, on récolte et bat le colza puis commencent les moissons jusque Septembre et la récolte de fèves, haricots.
Octobre, Novembre constituent le dernier temps de l’année, arrachage des betteraves, préparation pour les semailles d’automne (blé et seigle). Enfin en Novembre, c’est sutout la récolte des pommes de terre.
Toute une vie de travail dans ces conditions ne laisse guère le temps d’apprécier le repos d’une retraite et une fois vieillard, la plupart ne peuvent se permettre d’arrêter de travailler.